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Brevets - Marques & Modèles

Podcast : Protéger les créations culinaires

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La France est l’un des pays dont la gastronomie et les créations culinaires sont les plus réputées à travers le monde. La propriété intellectuelle peut-elle être utilisée pour protéger les créations culinaires, leur recette, leur nom ou leur aspect ? 

Retrouvez toutes les réponses à ces questions dans le nouveau podcast de Plasseraud IP, Radio Village Innovation – Protéger les créations culinaires. 

La retranscription de ce podcast ci-dessous :

Les créations culinaires relèvent en France d’une tradition qui s’inscrit profondément tant dans la culture que dans l’histoire. Elles sont souvent le fruit d’un travail de recherche et d’expérimentation de longue haleine.

Est-il possible d’utiliser la propriété industrielle pour protéger ces créations ? 

La France est internationalement reconnue pour la richesse et la variété de sa cuisine. Elle constitue un pan considérable du patrimoine français, mais aussi de l’économie.
Je vous propose de vous installer à la table de la propriété intellectuelle et de parcourir, par le menu, les différents modes de protection qu’elle met à la disposition des artistes de la gastronomie. 

Qui dit création culinaire dit nécessairement recette : comment la protéger ?

Une recette de cuisine, rédigée à l’écrit, peut être une œuvre de l’esprit protégeable par le droit d’auteur. Mais attention, cette protection est toute relative : elle ne portera que sur l’œuvre littéraire, c’est-à-dire sur la représentation écrite de la recette, et non pas sur la recette en tant que telle. 

C’est vers le droit des brevets qu’il faut se tourner pour trouver une protection plus efficace. 

Pour pouvoir faire l’objet d’un brevet, une invention doit être une solution technique à un problème technique. Si l’on cherche à breveter une recette, il faut donc identifier un problème technique rencontré pendant la préparation, et le procédé technique qui permet de le résoudre.

Mais attention, une recette déjà connue, ou dont la création est à la portée évidente de chaque cuisinier, n’est pas une invention brevetable ! Les créations culinaires doivent être nouvelles et résulter d’une activité inventive.

Quelles recettes ont par exemple donné lieu à la délivrance d’un brevet ?

En entrée, je vous propose de commencer par une recette de soupe de foie gras à la gelée de poule.

- Le problème technique : comment éviter que le foie gras et la gelée de poule se mélangent lorsqu’on chauffe une soupe comportant ces deux ingrédients ? 
- La solution proposée et protégée par le brevet de Joël Robuchon : en préparant séparément le foie gras et la gelée de poule avec des ingrédients supplémentaires particuliers, en les précuisant à une température et pendant un temps déterminés, puis en rassemblant ces deux éléments pour les cuire ensemble à basse température pendant un temps choisi.
- La technique étant nouvelle et inventive, le brevet a pu être délivré. 

En plat de résistance, poursuivons avec une recette de poisson à base de sandre et de saumon.

- Le problème technique : comment conserver la chaire fine et délicate de le sandre, qui est un poisson qui ne se consomme habituellement que frais, pour préparer un plat pré-cuisiné apte à être réchauffé avant consommation, sans que le sandre ne perde ses propriétés gustatives ?
- Joël Robuchon décroche un brevet grâce à une solution technique consistant à envelopper la sandre dans une mousse de saumon et à précuire l’ensemble à basse température.

On passe au dessert ? 

Pour finir sur une note sucrée, voici l’exemple de la recette d’un dessert glacé brevetée par Nestlé.

- Au départ, on avait une problématique qui n’était pas seulement technique mais aussi esthétique : comment faire pour que les enfants soient encore plus attirés par  l’aspect d’une glace sur bâtonnet, constituée d’un cœur glacé recouvert d’un revêtement ?
- C’est grâce à un procédé technique que la solution a pu faire l’objet d’un brevet : on incorpore dans le dessert des zones qui changent de couleur. Ces couches du revêtement d’enrobage sont composées d’une substance contenant un colorant hydrosoluble : au contact de la langue, l’enrobage change de couleur.

Quelle est la validité d’une telle protection de recette par brevet ?

Comme vous le voyez, la protection des créations culinaires par voie de brevet est tout à fait possible, elle suppose comme pour tout brevet, que les critères de nouveauté et d’inventivité soient respectés. Il faut appréhender la recette d’un point de vue purement technique pour identifier un obstacle technique, et proposer un procédé technique qui permettra de le surmonter. Sinon, la recette ne pourra pas être considérée comme une invention brevetable. 

Après la recette, c’est le nom de la création culinaire qu’il est important de protéger, n’est-ce pas ?

Pour répondre à cette question, allons faire notre marché du côté des marques. L’usage du droit des marques permet en effet de protéger efficacement le nom des créations culinaires.
Comme toutes les marques, les marques identifiant des créations culinaires doivent notamment être distinctives par rapport aux produits désignés. Elles ne doivent pas être uniquement constituées de termes indiquant les produits utilisés dans cette préparation ou le nom de cette préparation.

Par exemple, la marque MON HUILE DE HOMARD a été refusée à l’enregistrement pour des huiles à base de homard puisque cette expression évoque ou désigne la composition des produits concernés.

Lorsque vous choisissez le nom de votre création, vérifiez aussi que ce nom ne soit pas perçu comme désignant le nom d’une recette déjà existante ou la provenance géographique des produits désignés.

La marque LE COURSEULLAIS, déposée pour désigner des  « pâtisseries » a ainsi été rejetée au motif qu’elle désignait une pâtisserie connue à Courseulles-Sur-Mer, dans le Calvados. Elle indiquait en plus la provenance géographique des produits désignés.

Autre point de vigilance : la déchéance par dégénérescence. Il est fréquent que le nom de créations culinaires, initialement distinctif, lorsqu’elles rencontrent un certain succès, passe dans le langage courant pour devenir la désignation usuelle de la recette et que ce nom soit communément utilisé pour désigner la création.

Le nom PARIS BREST était à l’origine parfaitement distinctif pour désigner un gâteau en forme de roue, spécialement créé à l’occasion de la course cycliste Paris-Brest-Paris. Mais du fait de son usage courant, le nom de ce gâteau a perdu cette distinctivité.

Pour empêcher cela, il faut surveiller sa marque et s’opposer à tout usage du signe en tant que nom commun d’une spécialité culinaire déterminée.
Et si vous êtes un chef, vous pouvez aussi utiliser la marque pour capitaliser sur votre nom patronymique, pour le déposer et le valoriser dans le cadre de partenariats.

 
Est-il également possible de protéger l’aspect esthétique de la création ?

Tout à fait, et c’est le dépôt d’un modèle qui nous permettra de le faire. 

Les créations culinaires doivent satisfaire aux conditions de protection des dessins et modèles, c’est-à-dire, répondre à deux critères : le modèle doit tout d’abord être nouveau et il doit avoir un caractère individuel ou propre. Nouveau, ça veut dire qu’il ne doit exister aucune divulgation antérieure identique et avoir un caractère individuel ou propre, ça signifie que l’impression d’ensemble doit différer de celle produite par tout modèle divulgué antérieurement.

On a par exemple vu fleurir un modèle de tarte aux pommes, déposé par le célèbre Chef cuisinier Alain Passard, et caractérisé par la présentation particulière des tranches de pommes. Les tranches apparaissent non pas posées à plat et en cercles concentriques, comme dans une tarte aux pommes classiques, mais coupées finement et enroulées par groupes afin de former des roses, disposées en bouquets sur la tarte.

On peut aussi recourir aux marques tridimensionnelles pour acquérir une protection sur l’apparence de la création. 

Pas facile puisqu’il faudra souvent faire face à une objection de l’Office, qui cherchera à démontrer que la forme ne s’éloigne pas suffisamment des habitudes du marché pour constituer une garantie d’origine pour le consommateur. 

Dans ce cas, l’usage intensif de la marque pourra être invoqué pour en obtenir l’enregistrement. C’est de cette façon que Plasseraud IP a par exemple réussi à obtenir l’enregistrement d’une marque de gâteau marbré au chocolat, dont le motif représente deux vagues apposées sur une tranche.

En définitive, on voit que la propriété intellectuelle est un tour de main dont on aurait tort de se priver pour protéger les recettes de créations culinaires, leur nom et leur aspect esthétique.
 

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