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Fausses boutiques en ligne et vrais moyens d’action
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Fausses boutiques en ligne et vrais moyens d’action

Depuis quelques mois, les titulaires de marques et les consommateurs sont confrontés à l’intensification d’un type de fraude pouvant paraître surprenant. Il s’agit de l’utilisation de noms de domaine « génériques » ou fantaisistes pour diriger vers des fausses boutiques en ligne prétendant commercialiser des produits d’une marque déterminée, souvent à des prix extrêmement attractifs. En effet, traditionnellement, la marque visée est reproduite par le fraudeur dans le nom de domaine.

Cette forme de fraude en ligne s’observe dans tous les secteurs. Par exemple, un site frauduleux prétendant vendre des sacs à main de luxe pourrait utiliser un nom de domaine tel que <luxuryhandbagsales.com> ou <sacs-à-main-discount.net>.

Dans la plupart des cas, les commandes passées sur ces fausses boutiques ne sont pas honorées, l'objectif de leurs exploitants étant d’obtenir des paiements sans contrepartie et/ou de récolter des informations personnelles, en particulier des références bancaires, afin de réaliser de nouvelles opérations frauduleuses. Et, si un produit est livré, il s’agit généralement d’une contrefaçon.

Si les internautes ayant passé commande se trouvent floués, les agissements des fraudeurs préjudicient également gravement aux titulaires de marques pour lesquels, cette forme de fraude en ligne est susceptible de représenter un défi majeur. Non seulement elle porte atteinte à leur réputation, mais elle peut également provoquer une perte de revenus L’expérience montre que les victimes se trouvent confrontées à des dizaines, voire à des centaines, de sites « pirates », tous accessibles via des noms de domaine différents, souvent réservés par vagues. De plus, la démocratisation des outils à base d’intelligence artificielle permet de créer des sites Internet en quelques clics. Cela facilite la tâche des fraudeurs et participe à la démultiplication de ces fausses boutiques.

Facteur aggravant, il n’est pas rare que ce soit les consommateurs dupés qui apprennent aux titulaires de droits l’existence des sites Web frauduleux, en adressant une réclamation à leur service clients.

Il est donc essentiel pour les titulaires de marques de prendre des mesures afin de lutter contre ces fraudes en ligne. 

1.Pas de recours possible aux procédures de résolution des litiges de noms de domaine

Compte tenu du contexte de fraude, il serait vain de chercher à mettre un terme aux agissements litigieux en contactant les titulaires des noms de domaine.

En outre, l’utilisation de termes purement génériques dans les noms de domaine utilisés par les fraudeurs complique la tâche des titulaires de marques en les privant de moyens d'action rapides et efficaces. Les noms de domaine permettant d’accéder aux boutiques frauduleuses ne reprenant pas les marques enregistrées, il n’est pas possible pour les titulaires desdites marques d’agir sur le terrain des procédures de résolution des litiges en matière de noms de domaine (ex. URDP ou URS).

En effet, la similitude du nom de domaine litigieux avec la marque du demandeur est une condition indispensable au succès de ces procédures. 

2.Les intermédiaires techniques et économiques

L’impossibilité de recourir à ces voies d’action spécifiques rend alors nécessaire, pour les titulaires de droits visés par ces fraudes, de comprendre l’environnement technique et économique des sites litigieux, afin de déterminer les maillons vers lesquels se tourner pour mettre fin aux agissements illicites.

Premier réflexe, contacter les intermédiaires techniques « habituels », tels que les bureaux d’enregistrement des noms de domaine problématiques et les hébergeurs. D’ailleurs, le Règlement européen sur les services numériques (DSA) qui entre pleinement en vigueur le 17 février 2023, pourrait créer des « leviers » supplémentaires à leur égard.

Cependant, il n’est pas rare de voir ces exploitants de fausses boutiques recourir à des prestataires ne se souciant pas du respect des droits de PI, se retranchant systématiquement derrière leur rôle purement technique ou même consistant en des « coquilles vides ».

Dans ces cas, il faudra alors faire preuve d’acharnement et d’inventivité en cherchant, par exemple, à faire perdre à ces sites leur visibilité sur Internet, voire la possibilité de percevoir des revenus.

3.Vers une prise de conscience croissante des régulateurs

Le 29 mai 2023, l’ICANN, l’organe régulateur de l’Internet, a ouvert une consultation susceptible d’aboutir à une modification de la définition d’« usage abusif du système des noms de domaine » (« DNS abuse »).

Traditionnellement, les intermédiaires techniques entendent ces usages abusifs en s’intéressant plus aux modalités techniques de l’exploitation litigieuse qu’à sa teneur en tant que telle.

A l’occasion de cette consultation, plusieurs associations représentant les intérêts des titulaires de marques ont proposé un élargissement de la définition des agissement susceptibles d’être considérés comme abusifs, notamment en tenant compte non plus uniquement des conditions techniques dans lesquelles ils se déroulent, mais également du caractère illicite de leurs finalités.

Naturellement, si l’ICANN approuve un tel élargissement des typologies d’abus, les différents intermédiaires techniques, et en particulier les bureaux d’enregistrement, devront se montrer coopératifs lorsqu’ils se verront notifier qu’un ou plusieurs noms de domaine qu’ils gèrent servent à commettre des fraudes. A défaut, ils risqueraient de perdre leur accréditation auprès de l’ICANN et de ne plus pouvoir exercer leur activité.

Par ailleurs, dans le souci de protéger les consommateurs, le Législateur français dans le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, souhaite, entre autres mesures, créer un « filtre anti-arnaque » destiné notamment à contraindre les exploitants de navigateurs en ligne à afficher un message d’avertissement avant que l’internaute n’accède à un site susceptible d’être frauduleux.

4.La pertinence des surveillances

Enfin, il existe des moyens techniques destinés à détecter ces fausses boutiques. Nous ne saurions que trop recommander aux titulaires de marques de surveiller leurs droits sur le Web et de réagir à l’encontre des utilisations illégitimes le plus en amont possible, ne serait-ce pour éviter de découvrir ces atteintes par le biais de leur clientèle, à l’occasion de réclamations émises par des clients victimes.

Nos équipes Internet & Data suivent de près ces sujets d’actualité et sont en mesure de déployer les solutions juridiques et techniques les plus efficaces afin de protéger les intérêts des titulaires de droits de PI.

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