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Brevetabilité des méthodes mises en œuvre par ordinateur dans le domaine de la Medtech

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Rédigé par Mathias Robert

Dans cet article, nous souhaitons porter l’attention du lecteur sur une décision récente pouvant avoir une portée non négligeable sur la rédaction de demandes de brevet liées aux technologies médicales ou MedTechs, à savoir la décision T 944/15 des Chambres de recours de l’Office européen des brevets (OEB).

La demande de brevet européen visée par cette décision concernait un procédé de traitement de données pour commander un processus de surveillance de la position d'au moins une partie du corps d'un patient pendant un traitement par irradiation. 

La question qui s’est posée était de savoir si le procédé revendiqué constitue ou non une méthode de traitement thérapeutique exclue de la brevetabilité au sens de l’article 53c) de la Convention sur le brevet européen (CBE). 

Dans son raisonnement, la Chambre a indiqué que le rôle des revendications était de définir la portée de la protection. Elle précise également que les revendications ne définissent pas en elles-mêmes l’invention. En s’appuyant sur la décision G 1/07, la Chambre considère que ce n’est pas la portée de la protection définie par les revendications qui doit être prise en compte pour l’évaluation de l’article 53c), mais l’enseignement de l’invention pour établir s’il existe un lien fonctionnel entre l’appareil (ou ici la méthode mise en œuvre par une partie de l’appareil) et les effets de l’appareil sur le corps. Si cet enseignement requiert nécessairement d’autres caractéristiques au-delà de celles contenues dans la revendication, alors ces caractéristiques additionnelles doivent être prise en compte dans la définition de l’invention.

Ainsi, si l’une de ces caractéristiques additionnelles implique un effet sur le corps humain, alors cette caractéristique établit un lien fonctionnel entre l’invention et cet effet sur le corps humain, de sorte qu’un brevet ne peut pas être délivré au titre de l’article 53c) CBE.

Le procédé revendiqué vise en particulier à surveiller la position d'un patient pendant un traitement par irradiation de façon à s’assurer que les radiations sont délivrées efficacement à la région ciblée et ne sont pas délivrées à d'autres parties du corps, qui pourraient être endommagées par ces radiations. La surveillance en elle-même nécessite cependant une exposition supplémentaire aux radiations. L’invention vise ainsi à trouver le compromis optimal entre les inconvénients (radiations supplémentaires) et les avantages (meilleure efficacité, protection des zones non ciblées) de la surveillance. 

Cet objectif ne peut être atteint que si la surveillance de la position du patient est réalisée et si le résultat de cette surveillance est pris en compte pour contrôler le traitement, créant alors un lien fonctionnel avec le traitement thérapeutique exclu au titre de l’article 53c) CBE.

La Chambre rappelle également la décision T1680/08 et le fait qu’une méthode soit mise en œuvre par ordinateur ne permet pas de conclure qu’elle n’est pas soumise à l’exclusion de brevetabilité en tant que méthode de traitement. 

Il est également intéressant de noter que le requérant a présenté une requête subsidiaire dans laquelle la revendication principale portait sur un programme d’ordinateur.

On rappelle que les Directives relatives à l’examen pratiqué à l’OEB précisent qu’il ne doit pas être élevé d'objection au titre de l'article 53c) à l'encontre de revendications portant sur des programmes d'ordinateur qui comportent des éléments correspondant à ceux d'une méthode de traitement thérapeutique, car seules les revendications de méthode peuvent tomber sous le coup de l'exception prévue par l'article 53c).

La Chambre a cependant considéré que c’est l’enseignement complet qui détermine la nature d’une invention et non la forme particulière dans laquelle elle a été revendiquée (méthode mise en œuvre par ordinateur, programme d’ordinateur…). 

Cela est à mettre en parallèle avec la décision G 3/08 concernant la brevetabilité des programmes d’ordinateur selon laquelle ce n’est pas le type de revendication mais plutôt l’apport de la méthode sous-jacente qui est considérée. 

En l’espèce, la revendication concernant un programme d’ordinateur est rédigée par référence aux étapes effectuées lorsque le programme est exécuté. Le programme d’ordinateur est donc décrit par des étapes d’une méthode. Dès lors, l’exception prévue à l’article 53c) s’applique.

Cette décision est notamment à rapprocher de la décision antérieure T 1731/12 dans laquelle il avait été décidé qu’un dispositif défini par une caractéristique qui ne peut être obtenue que par l’intermédiaire d’une étape chirurgicale ou thérapeutique est exclu de la brevetabilité au titre de l’article 53c).

De même, la décision T 1631/17 concernait une méthode de fabrication de prothèses dentaires dans laquelle la dent humaine devait nécessairement être préalablement comblée avant la prise d’empreinte pour la réalisation de la prothèse. Bien que l’étape de comblement de la dent ne soit pas revendiquée en tant que telle, la méthode de fabrication faisant l’objet de la revendication principale incluait nécessairement une telle étape, de sorte que l’objet de la revendication est exclu de la brevetabilité au titre de l’article 53c).

On comprend dès lors que, lors de la rédaction d’une demande de brevet, il conviendrait de prendre en compte, non pas uniquement les caractéristiques revendiquées positivement dans les revendications, mais également les autres caractéristiques nécessaires, pour évaluer si l’invention est ou non une méthode thérapeutique ou chirurgicale exclue de la brevetabilité.

On constate également que les méthodes mises en œuvre par ordinateur ou les programmes d’ordinateur, que l’on pensait traditionnellement protégés de telles objections, ne sont pas exclus de ce type de raisonnement selon la présente décision.

On notera que cette décision va à l’encontre des principes édictés par les directives GII.4.2.1 qui, dans leur version actuelle au 1er mars 2021, mentionnent toujours de manière explicite que les dispositifs médicaux, programmes d’ordinateur ou supports d’enregistrement ne sont pas visés par l’exception prévue par l’article 53 (c) même s’ils comportent des éléments correspondants à ceux d’une méthode de traitement chirurgical ou thérapeutique.

Il conviendra donc de surveiller la jurisprudence à venir pour vérifier si elle conforte la position de la Chambre de recours exposée dans cette décision.

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