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Les brevets français sous le feu des oppositions
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Les brevets français sous le feu des oppositions

Rédigé par Alexandre Decreton

Depuis la mise en place de la procédure d’opposition aux brevets français en avril 2020, détenteurs de brevets et opposants potentiels naviguent dans un nouvel environnement stratégique. Plus de deux ans après, seize décisions ont déjà été rendues par l’Institut National de la Propriété Intellectuelle (INPI). Nous commençons à discerner des tendances, à identifier des défis et à comprendre l’impact de cette procédure.

Diversité des décisions : un large éventail de cas

La procédure d’opposition a mis l’INPI face à un éventail diversifié de cas, tous avec leurs complexités et enjeux spécifiques. Bien que chaque brevet et chaque opposition soient uniques et posent leurs propres défis, une analyse des décisions rendues révèle des tendances générales.

Issue des décisions statuant sur les oppositions devant l’INPI

Issue des décisions statuant sur les oppositions devant l’INPI

La plupart des brevets frappés d’opposition ont été maintenus mais sous forme modifiée (62%), attestant du fonctionnement efficace du système en place, qui permet un réexamen approfondi des brevets. En prenant aussi en compte les cas de révocation partielle, où une revendication indépendante est révoquée intégralement mais une autre revendication dépendante est maintenue (par exemple, le produit est révoqué, mais le procédé est maintenu), le titulaire du brevet conserve une protection partielle dans 75% des cas.

Par contraste, à l'Office Européen des Brevets (OEB), les décisions restent proches d'un tiers pour chaque issue : maintien tel que délivré, maintien sous forme modifiée, et révocation. La juxtaposition de ces statistiques laisse supposer une influence des spécificités des procédures de délivrance sur les décisions d'opposition, soulignant ainsi la nécessité de comprendre les pratiques propres à chaque office.

Dans une minorité de cas à l'INPI, l’opposant a réussi à obtenir une révocation totale ou partielle du brevet. Cependant, certains titulaires ont réussi à maintenir leur brevet dans son intégralité, démontrant ainsi que l’opposition n’est pas nécessairement fatale. Un brevet solide et une défense bien menée peuvent résister à une opposition.

Structure des décisions : un effort de transparence

L’INPI s’est efforcé de rendre ses décisions lisibles et structurées. Chaque décision est clairement organisée, avec une section dédiée à chaque point contesté. L’INPI a pris soin, dans chacune de ces sections, d’exposer clairement les arguments des deux parties, puis de présenter sa propre évaluation de ces arguments. C’est un atout pour toutes les parties impliquées et pour le public, car cela permet de comprendre la logique de l’INPI et d’anticiper ses décisions futures.

Motifs d’opposition : la nouveauté et l’activité inventive dominent

Les motifs d’opposition les plus couramment soulevés comprennent l’insuffisance de l’exposé, l’extension indue de la portée, le défaut de nouveauté et l’absence d’activité inventive. Ces thèmes, similaires à ceux soulevés dans les procédures d’opposition devant l’Office européen des Brevets (OEB), mettent en relief leur importance lors de la rédaction et de la délivrance des brevets.

Motifs d’opposition soulevés par les opposants

Motifs d’opposition soulevés par les opposants

Cependant, si toutes ces objections sont soulevées par les opposants, en pratique, les questions de brevetabilité se sont avérées jusqu’à présent les plus déterminantes. En effet, lorsque les brevets n’ont pas été maintenus tels que délivrés, dans la moitié des cas, cela était dû à un manque de nouveauté, et dans l’autre moitié, à une absence d’activité inventive.

Soumissions tardives : plus qu’une question de timing

La question des soumissions tardives a été un enjeu majeur dans de nombreuses procédures d’opposition. L’INPI veille en permanence à ce que le déroulement de la procédure respecte l’équité et le contradictoire. En plus d’examiner les délais de soumission, les commissions d’opposition prennent ainsi en compte le contexte des soumissions tardives, leur complexité et leur pertinence. Ceci a permis à certaines d’entre elles d’être admises et d’influencer le dénouement des procédures.

En conclusion : une nouvelle donne

Les premières décisions publiées révèlent des nuances distinctives dans la gestion des oppositions aux brevets français, notamment en matière de répartition statistique de l’issue des décisions et de souplesse face aux soumissions tardives en comparaison avec la pratique européenne. Cependant, il est important de noter que ces tendances observées ne représentent qu’un instantané du paysage actuel. C’est pourquoi, chez Plasseraud IP, nous maintenons une veille des procédures d’opposition en France (en plus de celles en Europe) afin de conseiller au mieux nos clients et d’adapter les stratégies d’attaque et de défense en fonction des derniers développements et d’augmenter ainsi les chances de succès dans ce contexte en constante évolution.

Pour plus d’informations sur les procédures d’opposition en France (et ailleurs) et/ou vous aider à défendre vos intérêts, nous vous invitons à vous rapprocher de nos experts. 
 

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