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Certificat complémentaire de protection et nouvelle application thérapeutique : Où en sommes-nous ?

Newsletter Septembre 2020

Un certificat complémentaire de protection (CCP) est un titre de propriété industrielle qui permet de prolonger la durée du monopole d’exploitation du principe actif d’un médicament ou d’un produit phytopharmaceutique, visant ainsi à compenser le délai d’obtention de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour ledit médicament ou ledit produit phytopharmaceutique. Le certificat complémentaire de protection est un titre distinct qui prend effet au terme légal du brevet. 

Dans les pays membres de l’Union Européenne, les CCP pour les médicaments sont régis par les dispositions du Règlement (CE) No. 469/2009.

L’Article 3 de ce Règlement énonce les conditions d’obtention d’un certificat complémentaire de protection, à savoir :

a) le produit doit être protégé par un brevet de base en vigueur,
b) le produit, en tant que médicament, doit avoir obtenu une AMM en cours de validité,
c) le produit ne doit pas avoir déjà fait l’objet d’un certificat, et
d) le CCP doit être délivré sur la base de la première AMM pour le produit, en tant que médicament.

La notion de « première AMM pour le produit, en tant que médicament » énoncée dans l’Article 3d) a toujours soulevé de nombreuses questions quant à son interprétation.

Certificat complémentaire de protection : l'arrêt Neurim

Certaines tentatives d’interprétation non strictes de « première AMM pour le produit, en tant que médicament » avaient été arrêtées par l’arrêt C-31/03 du 19 octobre 2004. Cependant, cet arrêt avait été renversé par  l’arrêt Neurim (C-130/11) du 19 juillet 2012. Dans cet arrêt Neurim la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) avait en effet dit pour droit : « la seule existence d’une autorisation de mise sur le marché antérieure obtenue pour le médicament à usage vétérinaire ne s’oppose pas à ce que soit délivré un certificat complémentaire de protection pour une application différente du même produit pour laquelle a été délivrée une autorisation de mise sur le marché, pourvu que cette application entre dans le champ de la protection conférée par le brevet de base invoqué à l’appui de la demande de certificat complémentaire de protection ».

Dans le cas précis de l’arrêt Neurim, la seule existence d’une AMM vétérinaire pour un produit ne s’était donc pas opposée à ce que soit délivré un certificat complémentaire de protection pour un médicament à usage humain pour ce même produit.  

Néanmoins, la notion « d’application différente », à laquelle il est fait référence dans l’arrêt Neurim a elle aussi soulevé de nombreuses questions : une nouvelle formulation est-elle une application différente du même produit ? Quid des nouvelles posologies ? Quid des indications thérapeutiques pour des maladies différentes ?

Certificat complémentaire de protection : l'arrêt Abraxis

Des premières réponses ont été données dans l’arrêt Abraxis (C 443/17) du 21 mars 2019, puis très récemment dans l’arrêt Santen (C-673/18) du 09 juillet 2020. 

Dans l’arrêt Abraxis, la CJUE avait dit pour droit  « une nouvelle formulation d’un principe actif ancien, ne peut pas être considérée comme étant la première autorisation de mise sur le marché du produit concerné en tant que médicament lorsque ce principe actif a déjà fait l’objet d’une telle autorisation en tant que tel ». 

Selon cet arrêt, la société Abraxis Bioscience n’avait donc pas pu obtenir de CCP pour le produit nab-paclitaxel (i.e. des nanoparticules de paclitaxel enrobées d’albumine), au motif que le paclitaxel avait déjà fait l’objet d’une AMM.

Certificat complémentaire de protection : l'arrêt Santen

L’arrêt Santen vient aujourd’hui confirmer la position de la CJUE au sujet des CCPs portant sur de nouvelles applications thérapeutiques. 

En effet, dans cette affaire, le laboratoire Santen avait déposé en juin 2015 une demande de CCP auprès de l’Institut National de la Propriété Intellectuelle (INPI) pour le produit « Ciclosporine pour son utilisation dans de traitement de la kératite ». Le directeur général de l’INPI avait rejeté en octobre 2017 la demande de certificat complémentaire de protection, au motif que la Ciclosporine avait déjà fait l’objet en 1983 d’une AMM pour un médicament (pour la prévention du rejet de greffes d’organes solides et de moelle osseuse, ainsi que pour d’autres usages thérapeutiques, telles que le traitement de l’uvéite endogène). 

En novembre 2017 le laboratoire Santen avait formé un recours contre la décision du directeur général de l’INPI devant la Cour d’Appel de Paris. 

Cette dernière, ayant constaté que le directeur général de l’INPI et le laboratoire Santen s’opposaient sur l’Article 3d) du Règlement (CE) No. 469/2009, interprété au regard de l’arrêt Neurim, avait posé des questions préjudicielles à la CJUE concernant les notions d’« application différente du même produit » et d’« application [entrant] dans le champ de protection conférée par le brevet de base », telles qu’énoncées par la CJUE dans l’arrêt Neurim. L’objectif était ici de clarifier l’interprétation de ces notions.

La CJUE a répondu de la façon suivante dans l’arrêt Santen : « une autorisation de mise sur le marché ne peut pas être considérée comme étant la première autorisation de mise sur le marché, […] lorsque celle-ci porte sur une nouvelle application thérapeutique d’un principe actif, ou d’une combinaison de principes actifs, qui a déjà fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché pour une autre application thérapeutique ».

L’arrêt Santen semble donc clore les débats, confirme une interprétation stricte de l’Article 3d) du Règlement (CE) No. 469/2009 et entérine l’impossibilité d’obtenir un CCP portant sur une nouvelle application thérapeutique d’un produit.

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