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APPLICATION DES SANCTIONS EUROPEENNES CONTRE LA RUSSIE PAR L’OEB : NOUVELLES REGLES 36, 39 et 160 ET IMPLICATIONS
Brevets

Application des sanctions Européennes contre la Russie par l'OEB : nouvelles règles 36, 39 et 160 et implications

L’Office Européen des Brevets (OEB) a adopté des modifications réglementaires  en réponse au 14ᵉ train de sanctions de l’Union Européenne (UE) contre la Russie dans le cadre du conflit en Ukraine. Ces nouvelles règles, en vigueur depuis le 16 décembre 2024 et applicables aux demandes de brevet européen déposées à compter du 25 juin 2024 et aux demandes PCT entrant dans la phase européenne à compter du 25 juin 2024, visent à restreindre l'accès des personnes physiques et morales russes aux droits de propriété intellectuelle dans les États membres de l’UE.

Ces ajustements alignent les pratiques de l’OEB sur les mesures restrictives imposées par le règlement (UE) n° 2024/1745 du 24 juin 2024 en privant les demandes de brevets déposées par des demandeurs russes d’effets dans l’UE.

La règle 39(2bis) CBE introduit ainsi une disposition clé :
« lorsque le demandeur ou l'un des demandeurs  est un ressortissant russe, une personne physique résidant en Russie, ou une personne morale, une entité ou un organisme établi en Russie, la désignation des États contractants qui sont États membres de l'Union européenne est réputée retirée ».

Ainsi, sans possibilité de désigner les états membres de l’UE dans leurs demandes de brevet européen, les déposants russes ne pourront plus bénéficier de protection par brevet dans les territoires de l’UE. Il est à noter que cela concerne également les demandes en co-propriété dont un des co-demandeurs est russe. 

En revanche, la désignation des États parties à la CBE mais non membres de l’UE reste a priori valable (ex. Turquie, Suisse, Norvège, Royaume-Uni). Cependant, certains de ces pays peuvent avoir adopté leurs propres régimes de sanctions à l’encontre des personnes physiques ou morales russes. Les demandeurs doivent donc vérifier les réglementations nationales applicables dans ces pays.

A noter que cette nouvelle règle ne dispense pas les demandeurs concernés de l'obligation d'acquitter la taxe de désignation pour les pays non-membres de l’UE désignés.

La règle 39(2bis) CBE précise de plus que :
« Cette disposition ne s'applique pas aux ressortissants d'un État contractant, ni aux personnes physiques titulaires d'un titre de séjour permanent ou temporaire dans l'un des États contractants. »

Ceci signifie qu’un demandeur russe (personne physique) qui serait aussi ressortissant d’un état de la CBE ou qui aurait un titre de séjour dans un état de la CBE (même hors UE donc) ne tomberait pas sous le coup de cette règle.

Les demandes divisionnaires (règle 36(5) CBE) et les demandes internationales (PCT) entrant en phase européenne (règle 160(3) CBE) sont soumises aux mêmes restrictions que les demandes initiales.

En parallèle, la règle 5(2) RPU a été modifiée pour empêcher l’inscription d’un effet unitaire par des titulaires ou co-titulaires russes (voir JO OEB 2024, A97). Cette modification est entrée en application le 15 novembre 2024 et s'applique aux demandes d'effet unitaire en instance à cette date, ainsi qu'à celles présentées à compter de cette date.

Ainsi, les procédures d'inscription de l'effet unitaire résultant de requêtes déposées ou co-déposées par des titulaires de brevets russes, qui étaient suspendues conformément au communiqué de l'OEB en date du 10 juillet 2024 (voir JO OEB2024, A70), ont repris et devraient conduire au rejet de la demande d’effet unitaire.

Pour plus d'informations, consultez :
•    Le communiqué officiel de l’OEB du 10 décembre 2024.
•    La règle 39 de la CBE
•    https://www.epo.org/fr/legal/official-journal/2024/11/a97.html
•    https://www.epo.org/fr/legal/official-journal/2024/07/a70.html
•    https://eur-lex.europa.eu/eli/reg/2024/1745/oj?locale=fr


1Une telle modification du règlement d’exécution de la CBE nécessite une majorité des trois quarts des états membres de la CBE pour être approuvée (Art. 35 CBE). On peut en déduire que des états non-membres de l’UE ont approuvé cette modification.

2Selon les considérants du règlement, une telle mesure serait justifiée par le fait que le gouvernement et les juridictions russes auraient entrepris des actions visant à priver illégitimement les titulaires de droits de propriété intellectuelle des États membres de l’UE de leur protection en Russie.

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