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Arbitrage et médiation
Brevets - Biologie - Chimie

Contentieux de la contrefaçon et de la nullité des brevets : arbitrage et médiation

Newsletter Juin 2021
Rédigé par Marion Autissier

L’appellation générique de Modes Alternatifs de Règlement des Conflits ou Litiges (MARC ou MARL), en anglais Alternative Dispute Resolution (ADR) englobe les mécanismes qui visent à rapprocher des personnes qui s’opposent comme ceux qui visent à l’obtention d’une sentence arbitrale. Leur variété permet d’offrir des solutions et des avantages qui sauront satisfaire les parties désireuses de régler leur conflit à l’extérieur de l’arène judiciaire.

Si les MARC peuvent paraitre attrayants en termes de flexibilité, de rapidité et de coûts, peuvent-ils tous, et plus particulièrement l’arbitrage et la médiation, s’appliquer aux contentieux spécifiques de la nullité et de la contrefaçon des brevets d’invention ? 

L’arbitrabilité du contentieux de la contrefaçon et de la nullité

D’abord divisée, la doctrine s’est fixée en faveur de l’arbitrabilité du contentieux de la contrefaçon de brevet. Le litige sur l’atteinte au brevet a en effet pour objet des droits dont le demandeur a la libre disposition. Quant à l’objet du litige lui-même, il a été conclu qu’il ne peut intéresser l’ordre public puisque le conflit oppose deux intérêts privés et que la décision n’affecte en rien les droits des tiers auxquels le brevet reste opposable. 

Toutefois, cette arbitrabilité vaut pour le contentieux civil de la contrefaçon. L’action pénale en contrefaçon n’est, elle, pas arbitrable et reste l’apanage des tribunaux étatiques. Les litiges mettant en cause des personnes morales de droit public ne seraient pas non plus arbitrables au visa de l’article 2060 du Code civil. Toutefois, les établissements publics à caractère industriel et commercial peuvent être autorisés par décret à compromettre.

La question a été plus largement débattue quant à l’arbitrabilité du contentieux de la nullité et des questions subsistent quant à sa portée. Jusqu’à une époque récente, l’arbitre ne pouvait pas connaître d’une question de validité du brevet. Cette inarbitrabilité a ouvert la voie à des pratiques dilatoires en contraignant l’arbitre à sursoir à statuer dans l’attente de la décision d’un juge étatique.

La Cour de cassation a confirmé, dans un arrêt d’espèce, la jurisprudence établie par la décision de la Cour d’appel de Paris, en retenant « qu’un tribunal arbitral qui constate qu’une invention fait partie de l’état de la technique sans se prononcer à titre principal sur la validité du brevet ne méconnait pas sa mission, ni le principe de la contradiction, ni l’ordre public international » (Cass. 1re civ., 12 juin 2013, n°12-16.864 : JCP E 2014, 1035, C. Caron). 

Ainsi, l’arbitrabilité de l’exception de nullité, invoquée comme moyen de défense à titre incident a été retenue. Toutefois, l’arbitre n’est toujours pas autorisé à annuler le brevet avec l’effet erga omnes de l’article L613-27 du CPI. Il s’agirait donc, en France, d’une arbitrabilité « relative ».

Médiation dans le cadre d’un contentieux en contrefaçon et de nullité de brevets d’invention

A l’instar de l’arbitre, un médiateur peut être saisi d’un contentieux de contrefaçon en matière de brevet, l’atteinte au brevet ayant pour objet des droits dont le demandeur à la libre disposition. L’action pénale est toutefois également exclue de la médiation.

Qu’en est-il du contentieux de la nullité ?

Contrairement à l’arbitrage, la médiation est une procédure consensuelle et informelle au cours de laquelle un intermédiaire neutre, le médiateur, aide les parties à parvenir à un accord en tenant compte des intérêts respectifs des parties. Le rôle du médiateur n’est donc pas de statuer sur le litige et donc sur la validité ou la nullité d’un brevet, mais uniquement d’aider les parties à aboutir à leur propre règlement amiable. Aussi, le médiateur pourrait typiquement amener les parties à s’entendre sur le litige les opposant et impliquant la validité du titre. Il ne pourrait cependant pas trancher sur sa brevetabilité, du fait de la nature même de son rôle et au regard des considérations d’ordre public et de l’effet erga omnes du titre.

De plus, en admettant que les parties arrivent à conclure sur la nullité ou la validité d’un titre, la question de l’homologation d’un tel accord, objet de la transaction, par le juge d’homologation reste entière. 

Selon la jurisprudence, le juge homologateur ne peut se contenter de « l’apposition mécanique d’un tampon » visant à valider l’accord de médiation. Ainsi, il est peu probable qu’il valide une transaction issue d’un accord amiable concluant à la nullité ou la validité d’un titre du fait des considérations d’ordre public.

En effet, la nullité du titre produisant ses effets à l’égard des tiers, pour qui elle augmente ou limite l’étendue du domaine public, elle ne saurait résulter d’un accord de médiation. De plus, la transaction étant exécutée comme un contrat, celle-ci ne pourrait concerner la portée et la validité d’un droit qui a été concédé par l’autorité publique. 

Ainsi, et lorsqu’ils sont applicables, l’arbitrage et la médiation peuvent être des alternatives à l’action en justice. Cela ne veut pas dire qu’ils conviennent systématiquement à chaque litige. Dans certains cas, l’arbitrage sera préféré, tandis que dans d’autres le recours aux tribunaux ou à la médiation pourra être approprié.

Le groupe Plasseraud IP, composé d’experts dans les différentes branches du droit de la propriété intellectuelle, en collaboration avec les arbitres et médiateurs des centres de médiation et d’arbitrage tel que CMAP, vous accompagne pour déterminer et adopter la meilleure stratégie visant à prévenir et résoudre vos conflits.

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Article issu du mémoire : Arbitrage et médiation appliqués aux contentieux de la contrefaçon et de la nullité des brevets d’invention, dirigé par le Professeur Jean-Michel JACQUET, dans le cadre du Master deuxième année, domaine : Droit, Economie, Gestion, mention Droit de la Propriété Intellectuelle, spécialité propriété industrielle, de l’Université de Strasbourg. 


Sources :
Jean-Pierre Stenger – Docteur en droit – avocat honoraire au barreau de Paris – Fasc.4640 : Action en contrefaçon. – Voie civile. – Juridictions compétentes et conditions de l’action. Créé le 20/11/2017. Mis à jour le 02/03/2020
Arrêt Liv Hidravlika, CA Paris, 1re ch., 28 févr. 2008
Arbitrage et propriété intellectuelle : le contentieux de l’annulation du titre par François Perret, Revue de l’arbitrage 2014 – N°2
Arbitrabilité et validité du titre en droit français par Tristan Azzi, Revue de l’arbitrage 2014 – N°2
Quelques réflexions sur l’office du juge de l’homologation dans le livre V du code de procédure civile, par Xavier Vuitton, RTD Civ. 2019 p 771

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