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Contrefaçon ? Il faudra désormais plus qu’un dépôt !

Newsletter Janvier 2022
Rédigé par Marie Pusel

La Chambre commerciale de la Cour de cassation a été saisie de deux affaires présentant une question commune : le seul dépôt d’une demande de marque constitue-t-il un acte de contrefaçon de marque, alors même que cette marque ne fait l’objet d’aucun usage ? 

Par deux arrêts du 13 octobre 2021, la Cour de cassation met fin à une controverse ancienne et opère un revirement de jurisprudence. La ligne est à présent clarifiée : déposer n’est pas contrefaire. 

Dans chacune de ces affaires, les demandeurs déboutés de leur requête en contrefaçon de marque contre des dépôts non exploités par leurs adversaires forment un pourvoi en cassation, donnant ainsi l’opportunité à la Cour de cassation d’unifier la jurisprudence sur cette question.  

Jusqu’alors, deux courants s’opposaient : 

  • D’un côté, les partisans de la thèse « le dépôt isolé point ne contrefait » 

De nombreuses décisions des juges du fond avaient ainsi établi que le simple dépôt ou le seul enregistrement d’une marque ne constituaient pas un usage dans la vie des affaires et ne pouvait donc être sanctionné au titre de la contrefaçon de marque. A l’appui de cette ligne, il était mis en évidence que le public n’était pas mis en relation avec le signe litigieux, de sorte que la fonction de marqueur d’origine de la marque antérieure n’était pas atteinte et qu’aucun préjudice pour le titulaire de l’enregistrement opposé ne pouvait être relevé. La jurisprudence européenne allait d’ailleurs dans ce sens, comme l’indique l’arrêt Daimler de la CJUE du 3 mars 2016 ; 

  • De l’autre, les tenants de l’option pour qui un « dépôt c’est déjà trop »

Soutenant la position inverse, ils prônaient que le seul dépôt de marque, en lui-même indépendamment de son utilisation effective sur le marché, était susceptible de constituer un acte d’usage non autorisé d’une marque préexistante, et donc un acte de contrefaçon de marque. 

La Cour de cassation s’inscrivait dans cette seconde ligne. Elle avait notamment critiqué, en 2016, la Cour d’Appel qui avait retenu « que le dépôt de la demande d’enregistrement de la marque « iMessage » par la société Apple ne pouvait pas à lui seul constituer un acte de contrefaçon de la marque « I-Message » (Chambre commerciale de la Cour de cassation, 24 mai 2016).

Autrement dit en France, schématiquement, les juges du fond se rangeaient plutôt sous la première bannière, alors que la juridiction suprême, lorsqu’elle avait l’occasion d’intervenir, brandissait le second étendard. 

La situation était donc juridiquement un brin confuse. 

C’est donc une superbe volteface qui est opérée par la chambre commerciale de la Cour de cassation dans le cadre des deux arrêts rendus le 13 octobre 2021, une sorte de salto arrière qui pourrait donc définitivement clore ce débat. 

La Cour en effet jugé que : 
« la demande d’enregistrement d’un signe en tant que marque, même lorsqu’elle est accueillie, ne caractérise pas un usage pour des produits ou des services, au sens de la jurisprudence de la CJUE, en l’absence de tout début de commercialisation de produits ou services sous le signe. De même, en pareil cas, aucun risque de confusion dans l’esprit du public et, par conséquent, aucune atteinte à la fonction essentielle d’indication d’origine de la marque, ne sont susceptibles de se produire.

Dès lors, la demande d’enregistrement d’un signe en tant que marque ne constitue pas un acte de contrefaçon ».

La Cour de cassation s’appuie donc sur la jurisprudence européenne, selon laquelle la contrefaçon de marque ne peut qu’être constituée par un usage du signe litigieux dans la vie des affaires pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux de la marque antérieure, et qu’une atteinte à la fonction de garantie de l’origine commerciale des produits ou services attachée à la marque est avérée ou à craindre.

Ces décisions ont le mérite de la clarification. Nul doute qu’elles permettront de simplifier un certain nombre de situations et de limiter les coûts pour la défense des droits : ainsi lorsqu’aucun usage de la marque litigieuse n’aura été décelé, des oppositions ou actions en nullité, à diligenter devant l’INPI, devront être privilégiées.

Quand clarification rime avec simplification et modération des coûts, c’est la bonne nouvelle de début d’année.

Les équipes de Plasseraud IP Marques & Modèles sont à votre disposition pour vous assister dans de telles procédures. 
 

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