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Quand un « deal » entre ex-adversaires, s’assoit sur l’ordre public !
Marques & Modèles

Quand un « deal » entre ex-adversaires s’assoit sur l’ordre public !

Le 3 avril 2013, la société Anglofranchise Limited a déposé, auprès de l'EUIPO - European Union Intellectual Property Office, la marque semi-figurative « BOY LONDON » nº 011708773 pour désigner notamment des bijoux, des sacs et des vêtements. Le 8 mars 2018, Yuliya Burgrey a sollicité la nullité de cette marque, au motif qu’elle serait contraire à l’ordre public, en invoquant le fait qu’elle reprenait l’imaginaire nazi. Sa démonstration s’est appuyée sur de nombreux sites internet comparant la marque à l’un des emblèmes du 3ème Reich, à l’image du document ci-dessous  :

EUIPO Boy London

En tenant compte des preuves soumises par la demanderesse, la division d’annulation a conclu que l’enregistrement en cause était contraire à l’ordre public, en indiquant que « la marque contestée fait référence au parti nazi et véhicule une image qui sera perçue par le public pertinent comme une référence à une idéologie contraire aux valeurs fondamentales de l'Union. Elle est de nature à créer ou à offenser, non seulement les victimes des massacres opérés par les nazis, mais également toute personne, sur le territoire de l'Union, qui lui est confrontée et présente un degré normal de sensibilité et de tolérance ».

Cette décision a été confirmée en appel, et a fait l’objet d’un recours devant le Tribunal de l’Union. Cependant, la juridiction luxembourgeoise ne sera pas amenée à se prononcer sur la légalité de cette marque, puisque l’action en nullité a été retirée par son requérant initial.

Il n’appartient évidemment à personne de juger de la volte-face de la demanderesse, à qui le droit de conclure un accord amiable n’est nullement contesté. Cela n’empêchera pas tout un chacun de se demander s’il ne saurait être judicieux de prévoir certaines dispositions permettant aux juridictions de rouvrir une possibilité d’examen au fond même après que la marque a été enregistrée, ou de refuser de ne pas pouvoir conserver le bénéfice de décisions lorsque des motifs absolus les sous-tendent, et ce bien que cela puisse poser des problèmes quant à la sécurité juridique. En l’espèce, manifestement, tant les examinateurs de la division d’opposition que les membres des chambres de recours s’étaient accordés sur le fait que la marque BOY LONDON était contraire à l’ordre public et n’aurait donc jamais dû être enregistrée, et le fait qu’elle le demeure ne peut que nous interroger.

On a ainsi comme la désagréable impression que l’ordre public, dont l’atteinte a pourtant été reconnu à deux reprises, a juste servi de levier à un particulier pour arriver à ses fins (inconnues), en se jouant en fait de cet intérêt supérieur qu’il prétendait voir faire respecter.

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