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Origines & Qualités

L’IGP : la perle de l’huître

Newsletter Juin 2020

Les congés estivaux approchent et seront, pour beaucoup, l’occasion de s’évader. La situation sanitaire actuelle ne permettant pas d’envisager des vacances lointaines, nombreux seront ceux qui partiront découvrir ou redécouvrir les terroirs de France et sa gastronomie si riche.

Premier producteur en Europe1, la France est non seulement connue pour ses vins, mais également pour ses huîtres : des huîtres normandes à celles de Méditerranée ou de Gruissan, en passant par la Cancale et la Belon, l'huître Vendée-Atlantique, les Marennes-Oléron, ou encore les huîtres du Bassin d’Arcachon, ces coquillages font l’objet de spécificités particulières liées à leurs conditions d’élevage et à leur environnement. 

Pourtant, les réglementations sur les dénominations de ces produits sont récentes et, à ce jour encore, peu nombreuses.

Comment donc s’assurer que les huîtres que nous consommons ont été élaborées selon un cahier des charges précis et proviennent bien de la région dont elles revendiquent la provenance ?

1.    Les garanties des signes d’identification de l’origine et de la qualité (SIQO)

A ce jour, il n’existe aucune appellation d’origine contrôlée ou protégée pour ce type de coquillage.

Seules les huîtres Marennes d’Oléron ont été enregistrées au niveau européen en tant qu’indication géographique protégée et ce, depuis 2009.

Rappelons que l’appellation d’origine protégée (AOP) est un signe européen qui désigne un produit dont toutes les étapes de production sont réalisées selon un savoir-faire reconnu dans une même aire géographique, qui donne ses caractéristiques au produit. 

L’indication géographique protégée (IGP) identifie, quant à elle, un produit agricole, brut ou transformé, dont la qualité́, la réputation ou d’autres caractéristiques sont liées à son origine géographique et pour lequel une étape au moins parmi la production, la transformation ou l’élaboration de ce produit doit avoir lieu dans cette aire géographique délimitée2.

Parmi les huîtres de Marennes d’Oléron, les Fines de Claires Vertes et la Pousse de Claire font l’objet, en outre, de labels rouges, respectivement depuis 1989 et 1999.

Le Label Rouge est un signe français qui désigne des produits qui, par leurs conditions de production ou de fabrication, ont un niveau de qualité́ supérieur par rapport aux autres produits similaires commercialisés.

En combinant le mécanisme des indications géographiques protégées avec celui du Label Rouge, les huîtres Marennes d’Oléron garantissent donc un savoir-faire et une aire d’élevage déterminés. 

2.    Les marques collectives

Si les huîtres Marennes d’Oléron sont les seules à bénéficier d’une protection au titre d’une indication géographique protégée, ce n’est pas pour autant que d’autres producteurs ou groupements de producteurs n’ont pas établi une nomenclature en vue de garantir aux consommateurs un savoir-faire particulier ou l’origine géographique de leur production.

Ainsi, le Comité Régional de la Conchyliculture Normandie - Mer du Nord a déposé, le 27 août 2018, la marque collective française huitre.

De la même manière, le Comité Régional de la Conchyliculture Aquitaine Arcachon est titulaire de la marque collective française huitre, enregistrée depuis le 23 mars 2016.

L’avantage de telles marques, lorsqu’elles sont déposées sous forme de marques de garantie, est de garantir le respect d’un règlement d’usage pour les opérateurs qui utilisent ces signes, ce qui n’est pas le cas pour les marques simples, qui viennent seulement garantir l’origine commerciale des produits ou services.

En effet, une marque de garantie « a pour fonction d’identifier l’origine de produits ou de services pour lesquels certaines caractéristiques sont garanties (par exemple, la matière, le mode de fabrication ou de prestation, la qualité, la précision…)3».

En pratique, le titulaire d’une marque de garantie procède à la rédaction et au dépôt d’un règlement d’usage inscrit avec la marque, que les opérateurs doivent respecter pour que leur soit conféré le droit d’utiliser la marque. Le contrôle de ce respect s’effectue par un organisme indépendant.

3.    La répression des fraudes

En l’absence de protection à titre de marque collective ou d’IGP, les opérateurs peuvent commercialiser leurs huîtres sous une dénomination générique qui inclut l’origine géographique.

La seule limite est l’absence de tromperie. Il relève en effet de la répression des fraudes de s’assurer que l’opérateur qui indique une provenance géographique pour ses coquillages a bien élevé, en partie du moins, ses produits dans l’aire géographique considérée.

C’est ainsi que, le 7 février 2019, ont été condamnés pour tromperie par le tribunal correctionnel de La Rochelle des ostréiculteurs qui avaient vendu des huîtres avec la mention « origine France », alors qu’elles n’avaient pas passé les six derniers mois d’élevage en France.

Quel est l’intérêt alors d’obtenir une protection par l’IGP, s’il est possible d’enregistrer une marque collective qui garantit, de la même manière, le respect d’un cahier des charges et si la répression des fraudes garantit l’absence de tromperie sur l’origine géographique ?

Cet intérêt est double.

D’une part, comme toutes marques, une marque collective doit répondre aux conditions de validité édictées par le Code de la Propriété Intellectuelle, et en particulier l’absence de caractère descriptif. 

Si un signe est composé à la fois d’un logo et d’une dénomination, comme la marque huitre, il peut être valablement enregistré, dès lors que l’ensemble est distinctif. En revanche, une dénomination seule, comme HUÎTRES DE NORMANDIE, sera refusée à l’enregistrement en tant que marque, puisque celle-ci est descriptive de la nature et de l’origine des produits. 

On ne peut en effet empêcher tous les opérateurs économiques d’utiliser la dénomination générique du produit, même intégrant le nom du lieu de production, si ce nom n’est trompeur ni sur la nature du produit (huître), ni sur l’origine géographique (Normandie) et si elle n’a pas été enregistrée en tant qu’IGP. 

Peuvent donc coexister sur les étals des coquillages vendus sous la dénomination HUÎTRES DE NORMANDIE et d’autres portant le label huitre, les premières ne garantissant que la nature et l’origine géographique, tandis que les secondes garantissent également le strict respect d’un cahier des charges quant à la méthode de production.

A contrario, pour être valablement enregistrée à titre d’indication géographique protégée, il n’est pas nécessaire qu’une dénomination soit distinctive. Ainsi, l’IGP HUÎTRES MARENNES D’OLERON a été valablement enregistrée selon le processus de validation des indications géographiques en Union européenne. 

Ne peuvent donc utiliser cette dénomination que les ostréiculteurs, non seulement qui se situent bien en Charentes, mais également qui respectent l’ensemble du cahier des charges de l’indication géographique en cause. 

D’autre part, le niveau de protection entre une marque de garantie et une IGP est différent. En effet, une marque permet de bénéficier d’un droit privatif contre toute reproduction ou imitation, dès lors qu’il en résulte un risque de confusion pour le consommateur. 

Dans le cas de la marque collective huitre, il importera à son titulaire de démontrer que le signe litigieux lui ressemble suffisamment sur les éléments graphiques pour que le consommateur soit trompé. La simple reprise de la dénomination HUÎTRE DE NORMANDIE ne sera pas suffisante puisque celle-ci est générique.

En présence d’une indication géographique protégée, la simple évocation suffit et il n’est pas nécessaire de démontrer un risque de confusion pour le consommateur. Ainsi, le Groupement Qualité Huîtres Marennes Oléron, organisme de défense et de gestion, peut s’opposer à tout usage de l’IGP HUÎTRES MARENNES D’OLERON, mais également tout usage l’évoquant, comme, par exemple, une huître qui serait commercialisée sous la dénomination MA REINE D’OLERON.

L’AOP/IGP et la marque de garantie ne sont pas pour autant antinomiques. Au contraire, ces protections apparaissent complémentaires. 

La reconnaissance de l’AOP et l’IGP suppose la démonstration d’un savoir-faire reconnu et donc un usage relativement ancien. Le dépôt à titre de marque de garantie peut au contraire être effectué dès le début de l’usage. Ce dépôt apparaît donc comme un préalable recommandé afin de disposer d’un droit opposable immédiatement et de pouvoir amorcer le processus de reconnaissance d’une IGP ou d’une AOP. 

Par ailleurs, si de plus en plus de pays, grâce aux accords internationaux, reconnaissent des droits sur certaines appellations d’origine ou indications géographiques, ce n’est pas le cas pour tous les pays ni pour toutes les dénominations. La protection à titre de marque constitue alors une alternative intéressante en l’absence de protection d’une AOP ou d’une IGP. 

PLASSERAUD IP ORIGINES & QUALITES est à la disposition des opérateurs économiques, et en particulier des organismes de défense et de gestion, pour les accompagner dans les démarches de protection et la défense de leurs signes de qualité. 


1https://agriculture.gouv.fr/huîtres-moules-et-poissons-produits-de-laquaculture

2https://www.inao.gouv.fr/Les-signes-officiels-de-la-qualite-et-de-l-origine-SIQO

3https://www.inpi.fr/fr/comprendre-la-propriete-intellectuelle/la-marque/cas-particulier-la-marque-de-garantie

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