Articles

Clos Roquine
Origines & Qualités

Mention traditionnelle : les vins Clos Roquine pourraient-ils tourner au vinaigre ?

Newsletter Septembre 2020

Cela avait débuté par une boutade, un jeu de mot qui faisait sourire, durant la période austère du confinement. En pleine crise de la covid-19, les réseaux sociaux ont vu circuler l’étiquette d’une bouteille de vin, étonnamment dénommée CLOS ROQUINE :

Clos Roquine

Si d’aucuns ont cru à l’existence réelle de ce vignoble, homonyme de la Chloroquine, médicament préconisé par des médecins pour guérir du coronavirus, il s’agissait, en réalité, d’un photomontage réalisé à partir de l’étiquette d’un vin corse produit par la société EARL CLOS CANARELLI :

Clos Roquine

Certains ont profité de ce canular informatique pour tenter de s’approprier ce nom et de le déposer, à titre de marque, en France et à l’international. 

Ainsi, la société belge TALLEDA a déposé, le 12 avril 2020, la marque de l’Union européenne Clos Roquine n° 18224600 pour des « Vins conformes à la définition/aux conditions d’utilisation de la mention traditionnelle pour les vins « Clos » », et étendu la protection de cette marque via le Système de Madrid en Australie, Azerbaïdjan, Canada, Royaume-Uni, Maroc, Fédération de Russie, Tunisie, Turquie,  États-Unis d'Amérique. Cette marque est commercialisée pour désigner des vins d’AOP Catalunya, produits en Espagne. 

Dans le même temps, le 13 avril 2020, Monsieur Yves CANARELLI, producteur du vin dont l’étiquette a été utilisée, a déposé en France, au nom d’une autre de ses sociétés, la société NOMI, la marque Clos Roquine n° 4638749 pour des « Boissons alcoolisées (à l'exception des bières) ; vins ; vins d'appellation d'origine protégée ; vins à indication géographique protégée ». 

Enfin, le 14 avril 2020, M. Jean-Paul LANDREAU a déposé la marque française CLOS ROQUINE n° 4638991 pour des « Bières ; eaux minérales (boissons) ; eaux gazeuses ; boissons à base de fruits ; jus de fruits ; sirops pour boissons ; préparations pour faire des boissons ; limonades ; nectars de fruits ; sodas ; apéritifs sans alcool » en classe 32 et des « Boissons alcoolisées (à l'exception des bières) ; vins ; vins d'appellation d'origine protégée ; vins à indication géographique protégée » en classe 33.

Indépendamment de la question de la légitimité de déposer une marque phonétiquement similaire au nom d’un principe actif (la chloroquine en l’occurrence) au regard de la contrariété à l’ordre public et aux bonnes mœurs, et des risques éventuels de tromperie pour le consommateur d’attention moyenne sur la composition de ces breuvages, ces dépôts conduisent à rappeler les règles relatives à l’usage du terme réglementé CLOS.

En effet, tant dans le droit français que dans le droit de l’Union européenne, ne peuvent être adoptés comme marques, notamment, des signes protégés comme mentions traditionnelles (article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle et article 7 du Règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017). 

Le dépôt et surtout l’usage de mentions traditionnelles sont strictement règlementés, et limités aux vins respectant les conditions suivantes.

1.    Sur les vins identifiés sous le nom CLOS

Le Décret n° 2012-655 du 4 mai 2012 relatif à l'étiquetage et à la traçabilité des produits vitivinicoles et à certaines pratiques œnologiques prévoit que le terme CLOS est réservé aux vins bénéficiant d’une appellation d’origine protégée lorsque les vins sont issus de raisins récoltés sur les parcelles d’une exploitation ainsi dénommée et vinifiés dans cette exploitation.

Également, il peut être utilisé pour des vins bénéficiant d’une appellation d’origine protégée :

a) Issus de raisins provenant exclusivement de parcelles de vignes effectivement délimitées par une clôture formée de murs ou de haies vives ; ou 
b) Dont l'appellation comporte ce terme.

En outre, l’Annexe VI du Règlement délégué (UE) 2019/33 du 17 octobre 2018 liste le terme CLOS parmi les mentions traditionnelles françaises. 

En résumé, les conditions requises pour utiliser la mention CLOS sont :

  • Des vins d’AOP
  • Provenant de raisins issus d’une exploitation dénommée ainsi, de parcelles de vignes clôturées ou bénéficiant d’une AOP comportant le terme CLOS
  • Produits en France

2.    Sur le titulaire d’une marque intégrant la mention traditionnelle CLOS

La jurisprudence française considère « qu'un signe désignant un vin sous le nom d'une exploitation ne peut, sans tromperie, être déposé en tant que marque que par une personne garantissant la récolte et la vinification en ce lieu » (Cass. Com. 30 mai 2007, Château des Barrigards). 

Dès lors, ne peut être titulaire d’une marque intégrant un terme réglementé tel que CLOS, correspondant au nom d’une exploitation, que la personne physique ou morale qui est propriétaire de ce domaine, ou qui assure la vinification des produits qui en sont issus. 

Ce principe s’explique par le caractère indétachable de la marque domaniale de l’exploitation dont elle désigne le produit (Cass. Com., 18 janvier 1955, Cassevert). 

Au regard des conditions strictes d’utilisation de la mention traditionnelle CLOS, la légitimité des différents dépôts et usages des marques CLOS ROQUINE pourrait être mise en cause. 

En effet, en l’absence d’usage approprié, l’exploitant s’expose aux risques de nullité de sa marque pour contrariété aux dispositions relatives à la protection des appellations d'origine et des indications géographiques, des mentions traditionnelles pour les vins et des spécialités traditionnelles garanties, mais également pour déceptivité. 

Par ailleurs, il pourrait lui être demandé de se mettre en conformité, notamment en modifiant les étiquettes de son stock (art. L. 521-10 du code de la consommation). En cas de défaillance, le viticulteur en cause prend le risque d’être condamné par les tribunaux à une peine d’emprisonnement et une amende (art. L. 532-2 du même code). 

Les experts de Plasseraud IP Origines & Qualités pourront répondre à toutes vos questions relatives aux marques incluant une mention traditionnelle telle que CLOS.
 

Partager sur :