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Podcast - Comment protéger ses innovations grâce au secret des affaires ?

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Le secret des affaires est un outil de protection de l’innovation, au même titre que les droits de propriété intellectuelle. Xavier Rodrigues, en collaboration avec Charlotte Montaud, nous explique dans ce nouveau Podcast Radio Village Innovation comment mettre en place une stratégie pour préserver le secret des affaires et l’invoquer en cas de litige.

La retranscription du Podcast - Comment protéger ses innovations grâce au secret des affaires ?

La France a adopté un régime spécifique visant à la protection du secret des affaires, par une loi du 30 juillet 2018 et un décret du 11 décembre 2018, qui viennent transposer une directive européenne.

Pourquoi était-il nécessaire d’adopter une nouvelle loi pour protéger le secret des affaires ?

Les entreprises travaillent de plus en plus en collaboration, notamment dans le cadre de projets de consortium européens. La diffusion et le partage d’informations sont donc devenus essentiels pour créer des opportunités de développement et d’accroissement de valeur.

En parallèle, on constate que les entreprises innovantes françaises et européennes sont de plus en plus sujettes à des vols d’informations et à de l’espionnage industriel et économique, et que les moyens techniques utilisés sont toujours plus performants et invasifs.

Historiquement, certains secrets bénéficiaient déjà d’une protection spécifique dans l’arsenal juridique français : le secret-défense, le secret de l’instruction, le secret bancaire, le secret médical, le secret professionnel, le secret de fabrique, le secret des correspondances...

Mais cette protection était éclatée, si bien qu’il existait de fortes disparités entre la protection du secret des affaires qu’on pouvait obtenir d’un Etat membre de l’Union Européenne à un autre. L’idée de cette réforme était donc d’harmoniser la protection du secret des affaires dans toute l’Europe.

Comment protège-on un secret d’affaire, quelles sont les conditions à remplir ?

Une information peut être protégée au titre du secret des affaires si trois conditions sont réunies :

1) Si elle n’est pas généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations (en raison de leur secteur d’activité) :

La définition peut paraître très vaste puisque n'importe quelle information interne à une entreprise pourrait être concernée, quelle que soit sa nature (notamment technique, scientifique, commerciale, financière, comptable ou économique) ou bien sa forme (connaissances, données, expériences, savoir-faire, plans, études, matériels, audits, données expérimentales et de tests, échantillons, modèles, méthode, conception d’outil, procédés, prototypes, composants spécifiques, logiciels, business plans, informations relatives à des fournisseurs, clients, études, stratégies de marchés etc.).

2) Si elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret : 

C’est parce que cette information est secrète qu’elle a une valeur commerciale, c’est-à-dire qu’elle est, directement ou indirectement, source de gains ou d’économies. Elle a nécessité des investissements et si une autre entreprise l’utilisait, celle-ci réaliserait des économies en ne supportant pas le coût de tels investissements.

3) Si elle a fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, selon les circonstances, pour en conserver le secret :

Le juge appréciera au cas par cas si le détenteur légitime de l’information a mis en œuvre des mesures de protection raisonnables suffisantes à conserver le secret, selon la taille de la société, sa structuration, son organisation. Les exigences ne seront certainement pas les mêmes entre des startups, des PME, des ETI, des grands groupes ou des laboratoires de recherche publique.

Est-ce qu’on peut légitimement être en possession d’un secret d’affaire sans être inquiété ?

Il est tout à fait possible de détenir légitimement une information couverte par le secret des affaires sans pour autant en être le propriétaire d’origine.

Par exemple, on a pu vous transmettre ou vous céder un secret et en encadrer l’utilisation par le biais d’un contrat. 

Vous pouvez aussi avoir simplement obtenu le secret de façon licite, en le découvrant par vous-même, ou bien encore en étudiant un produit qui a été mis à la disposition du public et en trouvant son secret de fonctionnement (on parle aussi de « reverse engineering »). Pour empêcher que les tiers obtiennent licitement votre secret en décortiquant votre produit, il est prudent de prévoir une interdiction de reverse engineering dans les contrats.

Dans quels cas s’expose-t-on à un risque de sanction quand on obtient ou qu’on utilise un secret d’affaires illégalement ?

Un secret d’affaires sera considéré comme ayant été obtenu de façon illicite si le consentement de son détenteur légitime n’a pas été recueilli, et que l’obtention de ce secret résulte soit d’un accès non autorisé au document comportant le secret, soit d’un comportement déloyal et contraire aux usages en matière commerciale.

Il est aussi interdit d’utiliser ou de divulguer le secret des affaires sans le consentement de son détenteur légitime lorsque le secret a été obtenu de manière illicite, ou bien si le détenteur du secret avait interdit sa divulgation ou restreint son utilisation. 

Une amende civile et des dommages et intérêts sont prévus par la loi.

Existe-t-il des exceptions à la protection du secret des affaires ?

Il en existe en effet. Par exemple, on ne peut pas opposer le secret des affaires si sa divulgation intervient dans le cadre de procédures juridictionnelles ou administratives, pour exercer le droit à la liberté d’expression et la liberté d'information, ou pour révéler une activité illégale.

Des mesures spécifiques ont également été adoptées pour protéger les salariés ou leurs représentants qui auraient obtenu le secret dans le cadre de l’exercice légitime et nécessaire de leurs fonctions. Dans ce cas, le secret des affaires ne leur est pas opposable, mais l’information ainsi obtenue ou divulguée reste protégée au titre du secret des affaires à l’égard des tiers.

Comment peut-on réagir si on constate qu’un secret d’affaires a été divulgué ou utilisé par un partenaire ou un concurrent ? 

Il est possible d’engager une action en responsabilité civile à l’encontre de l’auteur de ces atteintes, conformément aux règles ordinaires de compétence juridictionnelle. Ces actions se prescrivent par cinq ans à compter des faits.

Quelles mesures peut-on demander dans le cadre d’une telle procédure ?

La juridiction saisie peut interdire les actes d'utilisation d'un secret des affaires, la mise sur le marché de produits résultant de l'atteinte au secret ou bien encore ordonner que les produits résultant de l’atteinte au secret des affaires soient rappelés des circuits commerciaux, détruits ou confisqués. Le juge pourra aussi accepter que l’utilisation prétendument illicite d'un secret des affaires se poursuive, mais demander en contrepartie que le défendeur verse une garantie pour assurer l'indemnisation du détenteur du secret en cas de condamnation.

Comment le juge fixe-t-il le montant des dommages et intérêts dans le cas d’une atteinte au secret des affaires ?

Le calcul du montant des dommages et intérêts s'effectuera généralement en fonction des conséquences économiques négatives de l'atteinte au secret des affaires (manque à gagner, perte subie par la partie lésée, y compris la perte de chance), du préjudice moral causé à la partie lésée, ou des bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte au secret des affaires (économies des investissements intellectuels, matériels et promotionnels réalisées grâce au secret).

Le secret d’affaire ne risque-t-il pas d’être révélé au cours de la procédure, et de perdre sa nature confidentielle ?

La perspective qu’un secret d’affaires perde son caractère confidentiel pendant une procédure judiciaire pourrait en effet décourager les détenteurs légitimes de secrets d’affaires d’engager des procédures judiciaires pour les défendre. C’est pourquoi des règles spécifiques visent à protéger le caractère confidentiel du secret d’affaires qui serait allégué par une partie.

Toutes les personnes qui ont accès à une pièce considérée par le juge comme étant couverte par le secret des affaires sont tenues à la confidentialité. Cette obligation perdure même à l’issue de la procédure, sans limite de temps, aussi longtemps que le secret conserve son caractère confidentiel.

Le juge peut également assortir la procédure de garanties supplémentaires. Il peut décider de prendre connaissance seul de la pièce concernée, de limiter la communication ou la production de cette pièce sous forme d’un simple résumé. Le magistrat pourra ordonner que les débats ne soient pas publics, placer provisoirement la pièce sous séquestre, ou simplement l’écarter si elle n’est pas nécessaire à la solution du litige.

La publication du jugement ne vaudrait-elle pas autorisation d’utilisation du secret s’il y est dévoilé ?

Le décret a prévu des dispositions permettant le respect du secret jusque dans la décision du magistrat : les informations couvertes par le secret des affaires peuvent être occultées de la version publique de la décision.

Ce nouveau dispositif légal et réglementaire, c’est plutôt une bonne chose en somme ?

On peut le saluer en effet puisqu’il a cherché à protéger les entreprises en leur permettant de préserver la confidentialité d’informations qui ne peuvent pas bénéficier de la protection du droit de la propriété intellectuelle (brevets, dessins et modèles, droits d’auteur) et qui sont néanmoins importantes pour maintenir leur compétitivité.

Chez Plasseraud IP, on encourage les entreprises à mettre en place une véritable stratégie interne et externe pour préserver le secret des affaires, et aussi pour pouvoir efficacement l’invoquer devant une juridiction en cas de litige.

Justement, vous nous partageriez quelques recommandations pour conclure ?

Il faut commencer par identifier, structurer par ordre de sensibilité et formaliser les informations que vous pensez relever du secret des affaires (description des informations / méthodologies / procédés / formules conservées secrètes). Ensuite, assurez-vous qu'elles bénéficient d'une valeur commerciale, existante ou potentielle.
Prenez vos dispositions pour prouver avec une date certaine les informations que vous entendez protéger au titre du secret des affaires (horodatage, cahiers de laboratoire déposés chez des officiers ministériels, e-Soleau...).

Vous devez aussi être en mesure de prouver que vous avez pris des mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le secret.

Au niveau des salariés par exemple, il faut se prémunir des éventuelles divulgations indues, en les sensibilisant sur les informations classées au secret, en intégrant des dispositions spécifiques au sein du règlement intérieur, et prévoir une charte informatique ainsi que des obligations de confidentialité dans les contrats de travail.

Concernant les risques d’intrusion physique, pensez à mettre en place un dispositif de sécurité approprié, à sécuriser votre site et ses accès, à segmenter les procédés de fabrication, à sécuriser les embauches (y compris des stagiaires et intérimaires) et les entrées des prestataires, clients, sous-traitants, prospects...

Les risques vis-à-vis des partenaires commerciaux sont cruciaux, que ce soit en phase de négociations ou bien en cours d’exécution des contrats.

Enfin, les risques d’intrusion informatique sont aussi des menaces sérieuses, dont il faut se prémunir (tests d’intrusion, mots de passe, mobilité (laptop, tablettes, smartphone, filtres de confidentialité sur les écrans, éducation des salariés aux moyens de détecter des virus apparents...).

N’hésitez pas à vous faire accompagner par un professionnel du droit pour sécuriser vos secrets d’affaires.
 

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