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Contrats & Valorisation - Brevets

IP Box : un nouveau levier fiscal à saisir pour optimiser sa relance ?

Newsletter Mars 2021
Rédigé par Charlotte Montaud

L’arrivée du nouveau dispositif dit IP Box, mis en place par la loi de finances pour 2019, a été occultée par la survenance de la crise sanitaire début 2020.

En 2021, dans l’objectif d’un plan de relance, ce dispositif interpelle les entreprises.

Quelles sont les nouveautés de ce régime fiscal de faveur en substance ?

  • La baisse du taux d’imposition de 15% à 10%
  • L’application de ce régime de faveur aux logiciels
  • L’application d’un ratio nexus

Outre les avantages fiscaux que l'IP box génère pour les entreprises, il est en phase avec la volonté de relocaliser la Recherche et le Développement (R&D) et de réindustrialiser en France.

Les entreprises se doivent d’appréhender ce nouveau régime fiscal qui peut être utilisé comme un nouvel outil stratégique de management de la propriété intellectuelle, d’incitation à l’innovation et à la relocalisation de la R&D en France.

Pour bien comprendre les tenants et aboutissants de cette réforme, il convient de resituer le contexte de fiscalité internationale et de course à l’attractivité des entreprises innovantes dans lequel le législateur français est intervenu.

1. IP Box : un contexte de concurrence fiscale internationale

En réalité, cette réforme est intervenue, sous la contrainte, dans un souci de mise en conformité avec les recommandations de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE).

Le rapport de l’OCDE avait pour objectif d’alerter sur les pratiques fiscales dommageables et de proposer aux Etats d’adopter une approche globale et uniforme du cadre fiscal international.

Le précédent régime fiscal français de faveur en matière de brevets était critiqué en ce qu’il revenait à localiser artificiellement des bénéfices en France liés aux opérations sur les brevets et actifs assimilés, sans que les investissements de R&D à l’origine de ces actifs n’aient été nécessairement réalisés sur le même territoire.

L’OCDE recommandait donc de conditionner l’application d’un régime fiscal de faveur pour l’imposition des revenus tirés de ces actifs incorporels, à la réalisation, par le contribuable, directement ou indirectement, sur le même territoire des dépenses de R&D engagées pour la création et le développement de ces actifs. C’est ce qu’on appelle l’approche « nexus ».

2. IP Box : une opportunité pour baisser le taux d’imposition

Le législateur français a saisi cette opportunité pour rattraper son retard d’attractivité par rapport à quelques pays voisins européens et a abaissé le taux d’imposition à 10%, versus l’ancien taux préférentiel de 15%.

Ainsi, ce nouveau dispositif permet de rendre la France plus attractive par rapport à certains de ses concurrents européens.

3. Un élargissement des actifs éligibles

Sont concernés par ce régime de faveur les actifs suivants :

  • les brevets, les certificats d’utilité, les certificats complémentaires de protection (y compris les titres étrangers de la même famille et les demandes en cours),
  • les certificats d’obtention végétale (uniquement les titres délivrés),
  • les procédés de fabrication industrielle, lorsqu’ils sont des accessoires indispensables à l’exploitation d’un brevet ou certificat d’utilité et licencié avec ces actifs,
  • les inventions dont la brevetabilité a été certifiée par l’Institut National de la Propriété Industrielle (l’INPI), 
  • les logiciels protégés par les droits d’auteur, i.e. des logiciels originaux.

La grande nouveauté, c’est donc l’intégration dans ce régime fiscal de faveur des logiciels protégeables au titre des droits d’auteur.

Clairement, on peut comprendre que le législateur français a souhaité inciter les entreprises du domaine des logiciels à s’implanter et à développer leurs logiciels en France et ainsi attirer les talents dans ce domaine compétitif sur le territoire français.

Les éditeurs de logiciels pourront donc bénéficier de ce régime fiscal de faveur et ainsi faire des économies substantielles qu’ils pourront réinjecter dans leur propre recherche et développement. Précédemment taxés à près de 30% sur les revenus de leurs logiciels, ils pourront dorénavant être taxés à 10%, une manne financière !

Pour les inventions dont la brevetabilité a été certifiée par l’INPI, ce concept ne nous paraît pas encore très clair, car soit les inventions sont classées au secret soit elles sont déposées à titre de demandes de brevets auprès de l’INPI. Cela méritera certainement une action concertée de l’INPI et de l’administration fiscale pour pouvoir rendre cette application possible.

4. La détermination des revenus éligibles au régime fiscal dit IP Box

Il s’agit des revenus générés par les redevances de contrats de licence, de sous-licence et les plus-values des contrats de cession des actifs incorporels éligibles.

Si le contrat ne porte que sur des actifs éligibles, le régime spécial pourra s’appliquer aux revenus générés par le contrat dans son intégralité.

Si le contrat porte sur plusieurs actifs incorporels, dont certains ne sont pas éligibles (par exemple brevets, marques et dessins et modèles), il sera plus prudent de ventiler dans le contrat le prix ou les redevances perçus pour chaque actif dans le contrat ou de tenir à la disposition de l’administration fiscale une documentation permettant de justifier le prix de chaque actif de manière objective.

Les prestations d’assistance technique devront également être traitées séparément, car non éligibles à l’imposition de ce régime de faveur.

Les procédés de fabrication industriels, non brevetés et classés au secret, qualifiés de savoir-faire pourront être des actifs éligibles, mais à la condition de les intégrer dans les contrats de cession ou de licence ou sous-licence de brevet et qu’ils soient indispensables à son exploitation.

La prise en considération de l’application possible de ce régime fiscal optionnel doit être faite dans la phase de construction et de rédaction d’un contrat de licence.

5. Le calcul du fameux « ratio nexus »

Ce dispositif revient à imposer le résultat net bénéficiaire, qui sera déduit extra comptablement du résultat de l’entreprise.

Ce résultat net sera calculé en soustrayant des résultats (constitué des fruits générés par les brevets comme les redevances de licence, le prix de cession d’un brevet par exemple) l’ensemble des coûts de R&D, de frais de prise et de maintenance des brevets et autres rattachés directement aux actifs et réalisées directement ou indirectement par le contribuable.

Puis ce résultat net sera pondéré par rapport au ratio d’assujettissement, le fameux « nexus ».

En quoi consiste ce ratio nexus ? Il est calculé comme suit : au numérateur les dépenses R&D en lien direct avec la création et le développement de l’actif incorporel réalisées directement par l’entreprise et au dénominateur l’intégralité des dépenses réalisées pour la création et le développement de l’actif incorporel directement ou indirectement par l’entreprise.

Le législateur a mis en place un ratio nexus qui permet d’établir un lien direct entre les dépenses de R&D et les actifs qui en sont issus et générateurs de revenus par le biais de contrats de licence, sous-licence ou de cession.

L’objectif de ce dispositif est de favoriser fiscalement les entreprises qui engagent des dépenses de R&D sur le territoire français, ce qui aura pour effet d’attirer les centres de R&D en France.

6. IP Box : un régime optionnel

Il ne s’agit pas d’un régime automatique. L’entreprise doit lever l’option, il ne s’agit pas d’une option globale, mais d’une option à formuler dans la déclaration de résultat, pour chaque actif, chaque bien ou service ou chaque famille de biens ou services.

Ce régime s’applique pour l’exercice où l’entreprise a levé l’option et les exercices suivants jusqu’à ce que l’entreprise en perde le bénéfice.

Par conséquent, cette considération fiscale devra également être prise en compte dans la stratégie de l’entreprise de maintenir en vigueur ses actifs ou pas.

L’entreprise peut finalement décider de ne plus profiter de ce régime et elle perdra l’option de manière définitive pour l’actif concerné.

7. Une obligation documentaire

L’entreprise a l’obligation, à l’instar du Crédit Impôt Recherche (CIR), de se constituer un dossier à tenir à disposition de l’administration fiscale en cas de contrôle.

Gageons que les Conseils en Propriété Industrielle (CPI), les avocats et les experts fiscalistes coopèrent pour aider les entreprises à constituer leur base documentaire.

C’est particulièrement vrai pour les entreprises du logiciel qui devront prendre toutes les mesures probatoires recommandées pour être en mesure de démontrer le cas échéant le développement et l’originalité de leurs logiciels.
8. Conséquences de l'IP Box sur la stratégie PI des entreprises

Ce nouveau régime fiscal va clairement inciter les entreprises à relocaliser leurs centres de R&D en France, ce qui s’inscrit en parallèle dans la tendance de fond en réaction à la crise sanitaire intervenue en 2020.

Les entreprises vont devoir s’approprier les bonnes pratiques des grands groupes pour mieux se structurer, formaliser leurs données en interne, contractualiser et valoriser leurs actifs de propriété intellectuelle éligibles à ce nouveau régime.

Les CPI et les experts de la fiscalité devront collaborer au profit de leurs clients pour adopter la meilleure stratégie afin d’optimiser leur imposition fiscale et les faire bénéficier de ce levier pour auto-financer leur propre R&D.

Les entreprises doivent donc appréhender ce nouveau régime fiscal, de manière à gagner encore davantage en compétitivité dans un contexte économique de concurrence internationale qui s’annonce particulièrement exigeant.

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