Articles

Article
Brevets

IPR, PGR et CBM : comparaison avec la procédure d’opposition devant l’OEB

Introduites par la réforme AIA en 2012, les procédures Post Grant Review (PGR), Inter Partes Review (IPR) et Covered Business Method (CBM) permettent d’attaquer la validité d’un brevet américain devant l’USPTO après sa délivrance. Leur grand atout est d’offrir une alternative beaucoup moins coûteuse aux actions en nullité initiées devant les District Courts. En outre, les statistiques témoignent de leur efficacité : au 31 mars 2017, le taux de revendications jugées non brevetables suite à une telle procédure était de 47% dans le domaine de la mécanique et des business methods, de 55% dans le domaine de l’électrique et des logiciels, de 62% dans le domaine de la chimie et de 36% dans le domaine des biotechnologies et de la pharmacie[1]

Il existe des points communs entre la procédure d’opposition en Europe et les procédures d’IPR, PGR et CBM, mais aussi beaucoup de différences. Les plus notables sont les suivantes.

Echéances : avant et après 9 mois

Durant toute sa vie, le brevet américain peut être attaqué devant l’USPTO, sous certaines conditions et selon deux phases :

- Jusqu’à 9 mois après la délivrance du brevet, une PGR est possible. La palette des motifs est plus large que celle devant l’OEB: nouveauté, activité inventive, insuffisance de description/faisabilité, objet non brevetable (35 USC § 101), mais aussi clarté (35 USC § 112, 2ème paragraphe), ou double-patenting.

- Après 9 mois ou après la fin d’une PGR, une IPR est possible, mais les attaques sont plus restreintes que celles de la PGR : les motifs invocables sont restreints à la nouveauté et à l’activité inventive sur la base seulement de publications ou brevets antérieurs.

Au 31 mars 2017, l’USPTO indiquait que le nombre total de requêtes IPR était de 6139 contre 510 CBM et 51 PGR. Cette différence s’explique par le fait que les procédures d’IPR et de CBR (sous certaines conditions) furent ouvertes dès le 16 septembre 2012 aux brevets pre-AIA (« first- to-invent patent»)[2], alors que les PGR ne s’appliquent qu’aux brevets post-AIA (« first-inventor-to-file patent»)[3].

La CBM répond à des règles différentes. Cette procédure transitionnelle[4] n’est ouverte qu’aux brevets de Business Method et ne peut être requise qu’en réponse à des accusations de contrefaçon du brevet. Pour les brevets pre-AIA, la requête peut être déposée durant toute la vie du brevet. Pour les brevets post-AIA, la fenêtre d’attaque est la même que celle de l’IPR.

Déroulement de la procédure : en deux temps

La procédure devant l’USPTO se déroule selon deux phases.

- Phase 1 : Pre-institution proceedings. Dans sa requête, l’opposant (petitioner) doit identifier toutes les revendications attaquées et soulever tous les motifs d’opposition à ce stade. Le Patent Trial and Appeal Board (PTAB) décide de passer à la phase 2 (trial) seulement si l’opposant a montré dans sa requête que :

  • Pour l’IPR : il y a une chance raisonnable pour que l’opposant réussisse à invalider au moins une revendication (reasonable likelihood).
  • Pour la PGR et la CBM : il y a une probabilité élevée (> 50%) pour qu’au moins l’une des revendications ne soit pas brevetable (more likely than not).

Au 31 mars 2017, le taux de passage en phase 2 était de 72% dans le domaine de la mécanique et des business methods, de 70% dans le domaine de l’électrique et des logiciels, de 68% dans le domaine de la chimie et de 63% dans le domaine des biotechnologies et de la pharmacie.

- Phase 2 : Post-institution proceedings. Le PTBA organise une conférence téléphonique avec les deux parties pour discuter du déroulement de la procédure et connaître notamment les soumissions (motions) que chaque partie envisage de déposer. Chaque partie dispose d’un délai de 3 mois pour agir et/ou répondre aux arguments de l’autre partie. L’objectif du PTAB étant de rendre une décision dans un délai d’un an (éventuellement prolongeable de 6 mois), cette phase est donc rapide et intense.  Par comparaison, en Europe, la procédure d’opposition dure en général plus de 2 ans. Une discovery limitée peut être accordée aux parties. Si l’une des parties le demande, le PTAB peut organiser en fin de procédure écrite une audience pour permettre aux parties d’argumenter oralement sur les points les plus pertinents.

Taxes

Elles sont beaucoup plus élevées qu’en Europe (taxe d’opposition = 785 €), mais restent évidemment très raisonnables si on les compare aux coûts d’un procès devant une District Court.

  IPR PGR et CBM

Pre-institution proceedings

9000 $
+ 200 $ /revendication > 20

12000 $
+ 250 $ /revendication > 20

Post-institution proceedings

14000 $
+ 200 $ /revendication > 20

18000 $
+ 250 $ /revendication > 20

Procédure non anonyme

En Europe, l’opposition peut être déposée par un homme de paille si l’opposant souhaite rester anonyme. En revanche, aux Etats-Unis, il est obligatoire de divulguer la partie réellement intéressée dans le procès (real party in interest).

Accord entre les parties

Aux Etats-Unis, les parties peuvent transiger et stopper la procédure à tout moment. En revanche, en Europe, la Division d’Opposition peut décider de continuer la procédure d’opposition même si les parties souhaitent transiger.
Par exemple, au 31 mars 2017, le nombre de règlements entre les parties étaient de 129 en phase 1 et de 98 en phase 2 pour les IPR, de 9 en phase 1 et de 8 en phase 2 pour les CBM et de 2 en phase 1 et de 2 en phase 2 pour les PGR.

Estoppel

En Europe, un opposant ne sera pas empêché de soulever devant un tribunal national les mêmes arguments que ceux soulevés lors de l’opposition devant l’OEB. En revanche, aux Etats-Unis, l’opposant sera forclos de soulever les mêmes motifs ou arguments que ceux soulevés (ou qui auraient pu être soulevés) devant le PTAB, dès lors que celui-ci aura rendu sa décision.

Nouveaux arguments – observations de tiers

En Europe, rien n’empêche un opposant de soulever en opposition des arguments déjà soulevés dans des observations de tiers lors de la procédure d’examen devant l’OEB. En revanche, aux Etats-Unis un opposant a très peu de chances de passer en phase 2 s’il réitère des arguments déjà présentés lors de la procédure d’examen ou dans des observations de tiers (preissuance submissions).

***

Beaucoup moins onéreuses que les procès devant les District Courts, les procédures d’IPR, PGR et CBM ont fait la preuve de leur efficacité. Ces procédures sont donc des options à considérer lorsque l’on souhaite invalider un brevet américain. Dans beaucoup de cas, on pourra soulever les mêmes motifs qu’en Europe. Toutefois, les conditions d’application sont très différentes de l’Europe. En particulier, le PTAB exige de présenter des arguments qui soient nouveaux et de prime abord très pertinents pour autoriser le lancement de la procédure d’opposition. 

 

[1]  https://www.uspto.gov/sites/default/files/documents/AIA%20Statistics_March2017.pdf

[2] c’est-à-dire délivrés sur la base d’une demande ayant une date effective < 16 mars 2013

[3] c’est-à-dire délivrés sur la base d’une demande ayant une date effective ≥ 16 mars 2013

[4] disponible que jusqu’au 16 septembre 2020

Partager sur :