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La Loi PACTE : quels effets sur la propriété industrielle en France et pour quand ?

Newsletter Juillet 2019
Rédigé par Isabelle Magnin-Feysot

Le 23 mai dernier, la loi PACTE (« Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises ») a été publiée au Journal Officiel (loi n°2019-486 du 22 mai 2019). L’objectif de cette loi est de donner aux entreprises les moyens d’innover, de grandir et de créer des emplois.

La loi PACTE apporte des réformes majeures en droit de la propriété industrielle, notamment avec l’introduction du critère de l’activité inventive dans le cadre de l’examen des demandes de brevets (article 122), la création d’une procédure d’opposition administrative aux brevets (article 121), l’allongement de la durée de protection des certificats d’utilité (article 118) et un nouveau régime de prescription (article 124).

Chacun de ces quatre articles présente cependant sa propre date d’entrée en vigueur.

1. Le renforcement de la procédure d’examen (article 122 de la loi PACTE)

En l’état actuel, l’INPI ne peut rejeter une demande de brevet que pour défaut « manifeste » de nouveauté (voir article L. 612-12 du Code de la propriété industrielle (« CPI »), motifs 4° et 5°). Concernant le motif 7° dudit article, le défaut de nouveauté doit résulter « manifestement du rapport de recherche ». Le défaut d’activité inventive n’est pas envisagé comme motif de rejet.

Ainsi aujourd’hui, un brevet français présentant une nouveauté contestable ou un défaut d’activité inventive est quand même délivré et l’INPI ne peut y faire obstacle.

Un tel brevet est présumé valable et le seul moyen de l’invalider est qu’un tiers en demande, et le cas échéant en obtienne, la nullité par la voie judicaire. Il en résulte donc pour les tiers une incertitude juridique.

L’article 122 de la loi PACTE supprime toute référence au caractère « manifeste » des motifs de rejet de l’article L. 612-12 du CPI, et étend la portée de l’examen à l’activité inventive, ce qui constitue un véritable changement !

Le législateur a ainsi voulu faire de la procédure d’examen des demandes de brevet par l’INPI un véritable examen de fond, afin de renforcer la sécurité juridique attachée au brevet français.

Il devrait en résulter une concordance entre ce nouvel examen approfondi des demandes de brevet français devant l’INPI et celui des demandes de brevet européen devant l’OEB.

Date d’entrée en vigueur : 1 an après la promulgation de la loi, soit à compter du 22 mai 2020. 

2. La mise en place d’une procédure d’opposition devant l’INPI (article 121 de la loi PACTE)

L’article 121 de la loi PACTE instaure une procédure d’opposition devant l’INPI à l’encontre des brevets français. Il est donc possible pour des tiers d’obtenir devant l’INPI la révocation d’un brevet français pour une invention dépourvue de nouveauté et/ou d’activité inventive.

Cette réforme crée donc la possibilité d’obtenir l’annulation d’un brevet par voie administrative alors que seule la voie judiciaire est aujourd’hui ouverte à l’encontre des brevets français.

Date d’entrée en vigueur : celle d’une loi de ratification d’une ordonnance prévue par l’article 121, l’ordonnance devant être prise dans un délai maximum de 9 mois à compter de la promulgation de la loi PACTE, soit avant le 22 février 2020 et le projet de loi de ratification devant être déposé au Parlement dans un délai de 6 mois de la publication de l’ordonnance.

Concernant les deux dispositions ci-dessus décrites, on peut souligner que la mise en place de la procédure d’opposition est complémentaire à celle du renforcement de la procédure d’examen, l’une intervenant avant la délivrance et pouvant conduire au rejet de la demande de brevet et l’autre intervenant après la délivrance et pouvant conduire à la révocation du brevet ou à une limitation de sa portée.

La nouvelle procédure d’obtention des brevets permet ainsi d’assurer la délivrance de brevets français de qualité et d’éviter de perturber la vie économique par des brevets de validité contestable.

3. Le renforcement des certificats d’utilité (article 118 de la loi PACTE)

La durée de vie du certificat d’utilité est allongée, et passe ainsi de 6 ans à 10 ans. De plus, il est dorénavant possible de transformer une demande de certificat d’utilité en demande de brevet (avant seul l’inverse était possible, à savoir transformation d’une demande de brevet en certificat d’utilité).

Date d’entrée en vigueur : 23 mai 2020 au plus tard.

4. Délais de prescription (article 124 de la loi PACTE)

L’article 124 de la loi PACTE traite de la prescription des actions en contrefaçon d’une part et de celle des actions en nullité d’autre part.

En ce qui concerne les actions en contrefaçon, l’article 124 prévoit une modification du point de départ de la prescription des actions en contrefaçon de titres de propriété industrielle : elles seront désormais prescrites par cinq ans, non plus « à compter des faits qui en sont la cause » (c’est-à-dire à compter de la date de réalisation des actes de contrefaçon), mais « à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître le dernier fait lui permettant de l’exercer ».

L’application dans le temps aux faits antérieurs à la date d’entrée en vigueur de la loi PACTE sera déterminée par la jurisprudence à venir.

En ce qui concerne les demandes en nullité, le Code de la propriété intellectuelle ne prévoit aucune disposition et les tribunaux ont ainsi fait application des dispositions de droit commun de l’article 2224 du Code civil (délai quinquennal « à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer »).

L’article 124 de la loi PACTE prévoit que l’action en nullité des titres de propriété industrielle est imprescriptible. Cette imprescriptibilité s’applique aux titres en vigueur mais sera sans effet sur les décisions ayant force de chose jugée à cette date.

Date d’entrée en vigueur : au jour de la publication de la loi, soit le 23 mai 2019.
 

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